lundi 27 février 2012

Une métamorphose iranienne



"Une métamorphose iranienne"

de Mana Neyestani


Les éditions Cà et Là, en partenariat avec les éditions Arte, nous invitent à découvrir leur dernier roman graphique, « La métamorphose iranienne », de Mana Neyestani. Histoire vraie de l’auteur qui se retrouva emprisonné suite à la publication d’un de ses dessins pour enfants.

A la fin des années 90, Mana est dessinateur de presse freelance pour plusieurs journaux réformistes ou d‘opposition iraniens. Il n’a toutefois jamais rencontré de problèmes avec le gouvernement. Début 2000, avec le durcissement de la politique iranienne et par ordre du dirigeant suprême, 17 journaux réformistes sont interdits. Mana se retrouve donc sans travail et décide de se tourner vers la presse jeunesse. Travailler dans la presse jeunesse l’enchante et lui paraît peu risqué. Le futur lui donnera tort. C’est pendant l’été 2005 que tout bascule, il fait chaud à Téhéran et la capitale est envahie par les cafards. Dans une satyre de 8-9 pages pour la presse jeunesse intitulé « Comment défaire les cafards », Mana fait intervenir un enfant et des cafards. L’un des cafards emploie une expression d’origine azeri entrée dans le langage courant perse, ce qui n’est pas du goût de la population azeri qui se voit ici traitée de cafard. Cette population, majoritairement installée dans le nord-ouest iranien, se sent déjà persécutée et mal-aimée. La mauvaise interprétation du dessin servira donc d’étincelle à celle-ci pour mettre le feu aux poudres. S’en suivent alors des émeutes et des affrontements avec les forces de l’ordre, son dessin servant de prétexte pour accuser le régime. Mana, ainsi que le rédacteur en chef du journal ayant publié cette satyre, se voient donc arrêtés et emprisonnés dans le quartier réservé aux opposants politiques. Se retrouvant isolé, emprisonné, privé de contact avec sa famille, avec d’un côté ses geôliers lui assurant que ce n’est qu’ une méprise, qu’il sera bientôt libre mais l’invitant tout de même à balancer tout ce qu’il sait sur ses confrères réformistes, et d’un autre côté le juge l’accusant d’ avoir voulu renverser le régime et donc lui refusant sa liberté; après 3 mois d’enfer, Mana bénéficie de quelques jours de liberté. Il en profitera pour fuir l’Iran avant la fin de son procès et s’échappera à Dubaï. Là où on pourrait penser ses ennuis terminés, une nouvelle quête commence pour Mana, trouver une terre d’accueil en tant que réfugié politique, ce qui n’est pas chose aisée.
On apprend à travers l’autobiographie de Mana Neyestani que parfois la vie peut basculer pour un rien. Ce rien prend ici la forme d’un mot et de sa mauvaise interprétation qui vont complètement bouleverser la vie de l’auteur, le faisant passer d’artiste établi à exilé politique en passant par un séjour dans les geôles de son pays natal. On apprend aussi le fonctionnement de la justice iranienne ainsi que celui de la diplomatie étrangère lorsqu’il s’agit d’accueillir un exilé politique. Avec toute l’incompréhension de Mana face aux évènements qu’il vit, on comprend beaucoup de choses, et c’est là la grande réussite de ce livre.

Thomas

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